L’organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) utilise la fabrication additive pour concevoir les barres de refroidissement de ces détecteurs de particules. Présentation.
Des données sur les propriétés des particules fondamentales
Située à la frontière franco-suisse, l’organisation européenne pour la recherche nucléaire, le CERN, étudie depuis 1954 « le fonctionnement de notre univers ». Elle abrite le plus grand et le plus puissant accélérateur de particules au monde, le LHC (grand collisionneur de hadrons). Cet appareil, dernier maillon du complexe d’accélérateurs du CERN, forme un anneau de 27 kilomètres sous le sol genevois. Dans cet accélérateur, les entrechoquements des particules se font dans des détecteurs de collisions qui collectent des données sur les propriétés des particules fondamentales. Les détecteurs les plus récents possèdent des sous-détecteurs qui permettent de suivre la trajectoire d’une particule (trajectographe) ou de mesurer son énergie (calorimètre) et sa luminosité. Le grand collisionneur de hadrons est annoncé en arrêt technique jusqu’à fin 2021. Cette pause est en partie utilisée pour apporter des améliorations aux équipements du LHC.
Afin que la chaleur ne perturbe pas les observations durant l’étude, les détecteurs sont équipés de barres de refroidissement en titane. Ces pièces ont pour rôle principal de réduire en température une bande étroite de détecteurs de photons pour préserver la viabilité des données récoltées durant les collisions. Pour leur construction, le CERN a sollicité l’Institut national néerlandais de physique subatomique (Nikhef) et le centre d’innovation client 3D Systems (CIC).

3D Systems a reçu le prix LHCb en 2019 pour son travail sur les barres de refroidissement
Repenser la conception
En collaborant, les équipe du Nikhef et de 3D Systems ont pu créer des barres de refroidissement respectant le cahier des charges imposé par le CERN. Dans un environnement à très haute température, les barres doivent être capables de maintenir, à - 40° C, une bande de moins de 2 millimètres d’épaisseur. Les barres devaient donc avoir une épaisseur de 0,25 millimètres, mais aussi être planes, pour préserver l’efficacité du détecteur. La deuxième contrainte principale est de réussir à dissiper uniformément la chaleur sur l’ensemble de la longueur du détecteur de photons. Pour remplir ces conditions, Rob Walet, ingénieur au Nikhef, a modélisé numériquement la pièce. Ce nouveau modèle optimisé offrait une meilleure efficacité, notamment grâce à la finesse des parois. « Cette conception était vraiment belle, mais elle n’était pas réalisable avec les moyens de fabrication traditionnels », explique Antonio Pellegrino, un responsable du projet de trajectographe SciFi de l’expérience LHCb du CERN. La pièce n’était pas usinable à cause de sa longueur : 263 millimètres. La seule façon de la produire était donc de faire appel à la fabrication additive.

Modèle 3D des barres de refroidissement conçues par le Nikhef
Améliorer le processus de fabrication additive
La pièce imaginée, il ne restait plus qu’à la produire. Le CERN n’ayant aucune expérience en impression 3D, le centre d’innovation client 3D Systems s’est chargé de les aiguiller dans l’utilisation de la technologie DMP (Direct Metal Printing). Pour une fabrication optimale, plusieurs modifications ont été apportées au processus de production. D’abord, la conception de la pièce a été revue. Pour qu’elle soit plus efficace, la pièce a été conçue comme un assemblage de deux composants en miroir soudés ensemble (voir photo ci-dessus). Ensuite, les membres du CIC de 3D Systems ont étudié le placement de la pièce lors de l’impression. Pour que celle-ci supporte son propre poids au maximum et ainsi réduire le recours aux supports, ils ont décidé de placer la pièce à la verticale sur le plateau d’impression. Enfin, le post-traitement a été, lui aussi, optimisé. La position parallèle des tuyaux de refroidissement compliquant la tâche, les équipes de 3D Systems ont fourni au CERN un protocole de post-traitement permettant d’évacuer un maximum de poudre. Grâce à un processus systématisé, du prototypage à la production, les équipes ont réussi à garantir un processus rationalisé, jusqu’à produire 44 pièces finies qualifiées par fabrication additive en 2 à 3 jours.
